Deux grilles de lecture, extraites parmi beaucoup d’autres:
-> Les formes (les corps) expriment des symptômes, des rapports de force.
« Ils [les arbres] ne sont qu’une volonté d’expression. Ils n’ont rien de caché pour eux-mêmes, ils ne peuvent garder aucune idée secrète, ils se déploient entièrement, honnêtement, sans restriction [...], ils ne s’occupent qu’à accomplir leur expression : ils se préparent, ils s’ornent, ils attendent qu’on vienne les lire. » Francis Ponge.
« [...] une plante est un chant dont le rythme déploie une forme certaine, et dans l’espace expose un mystère du temps.» Paul Valéry.
-> Les formes (les corps) ne sont pas séparables de leur environnement, c’est à dire que tout est question d’échelle dans l’enchaînement des frontières entre individu et collectivité.
L’approche systémique propre à l’écologie est ainsi une façon de percevoir à la fois l’arbre et la forêt, sans que l’un ne masque l’autre. L’arbre est y alors perçu comme une configuration d’interactions appropriée aux conditions de vie de la forêt, elle-même association d’arbres dont les interactions produisent la niche écologique des individus arbres.
Un exemple, une application, une résonance: Béjart Ballet et le Bolchoï – Le Boléro de Ravel, partie 1 et 2. Expression d’un monde en création, croissance du conatus (désir), sélection des espaces et des mouvements. Apprentissage, tâtonnement et composition, musique et déploiement d’une mélodie qui se chante elle-même. Modèle de danse ou modèle de monde qui capture et invite d’autres modèles de danse.
Comme on l’aura noté, la plupart des billets de ce blog se trouvent accompagnés de vidéos interférants plus où moins directement avec les textes proposés.
Celles-ci ont pour vocation de donner à voir autrement, multiplier ou agencer les perspectives possibles, car c’est un fait, on ne sait jamais à l’avance comment chaque individu dans toutes ces singularités va pouvoir aborder tel ou tel question. L’angle d’incidence propre à chacun, ou comment il rencontre ceci et cela, par quel média il comprend où devient conscient d’une certaine relation eentre les choses.
Qui plus est, et pour un blog souhaitant parler d’écologie, et par là-même tournant autour de notions aussi floues que la biodiversité, comment ne pas en premier lieu tenter de diversifier son contenu comme le contenant de ses messages. Respect de l’hétérogénéité des désirs, comme de l’éco-éthologie …. de chacun.
Ces vidéos, à la production anonyme, composées d’extraits courts toujours sourcés, n’ayant aucune vocation à la reproduction et servant uniquement de support pédagogique, celles-ci viennent donc d’être entièrement supprimées par YouTube, sans avertissement aucun pour atteinte au droit d’auteur.
Peu importe dirons nous, aucune œuvre n’est ici en péril. Seulement, et c’est bien là le problème qui se pose au-delà d’une qualification pédagogique de ces petites vidéos, qualification toujours très subjective et questionnable, car au final c’est bien d’un nouvel empêchement dont il est question.
Il est ainsi une nouvelle fois proclamé l’interdiction pour tout un chacun de digérer ses impressions en réunion. Etre bombarder des images extérieures, oui, mais pouvoir les digérer ou en « photo-synthétiser » les traces autrement, voilà qui est donc impossible. Non, il n’y a qu’un montage possible, non, il n’y a qu’un sens possible que vous altérez dans vos recombinaison, etc, etc. Faites le si ça vous amuse, mais faites le tout seul dans votre cave.
La banque sociale des images est ainsi verrouillée, pas plus de crédit ici, et nous sommes tous à court de liquidité. Recyclage des herbes, oui car après tout ça ne fait de mal à personne même si nous auront toujours moins de talent que les vaches, mais recyclage des images, non, et peu importe leur destination !
Nous voilà donc privés d’une certaine technique digestive ou de méditation de nos propres affects, c’est-à-dire du travail sur les traces ou impressions que laissent les images sur nos corps comme nos esprits. Alors vive les images étrangères qu’on bourre dans des natures incompatibles en les privant de certaines de leurs capacités d’incorporation. Vivre la vie tout le monde et la surpopulation qui va avec. Mais si, si, faite vos montages, rien ne l’interdit, mais que personne n’en sache rien. Monsieur, coupez votre connexion.
Un jour peut-être comprendrons-nous collectivement qu’il existe une écologie des idées (que celles-ci soit véhiculée par des images, des sons, des textes …) à respecter tout autant qu’une autre. Nous commençons de le comprendre dans la Nature, ses transferts de flux, de matières, et donc d’énergies, mais nous en sommes encore très loin en terme d’information, c’est-à-dire d’énergie pliées dans des images, des sons, des textes, etc.
Car là aussi existe des producteurs primaires, des producteurs secondaires, des consommateurs, des décomposeurs, etc., dans un cycle qui fait que chacun nourrit le suivant et ainsi de suite. Chacun se devant d’être rémunérer comme tel, c’est-à-dire de voir ses conditions de reproduction assurés.
On pourrait d’ailleurs se demander quelle place occupe les hommes dans ce cycle. Après tout les pingouins ne sont pas rémunérés en tant que freegurants du spectacle, ni ne nous attaquent pour diffamation dans les propos que nous leur prêtons. Dans la même idée et plus sérieusement, suivons G. Bateson : « [...] le système écomental appelé lac Erié est une partie de votre système écomental plus vaste, et que, si ce lac devient malade, sa maladie sera inoculée au système plus vaste de votre pensée et de votre expérience » Vers une écologie de l’esprit, tome2
Notre hypothèse demeure néanmoins, l’homme est un producteur primaire. C’est-à-dire qu’il est capable, au sein de ce système écomental plus vaste, de plier celui-ci dans des récits symptômes (l’histoire de ses rencontres avec). Et pour ce faire, il produit des images, des sons que d’autres pourront déplier ultérieurement comme autant de matière première à leur propre production. Se faisant, l’homme dépense donc une certaine énergie de « pliage » dans cette activité que nous dirons « photo-synthétique ».
D’un point de vue de l’équilibre, cette dépense d’énergie se doit d’être « compensée » par les recettes énergétiques qui permettent la reproduction ou la continuité de cette activité. Or cette activité de transformation appartient peut-être à son essence même, de sorte que l’en priver consisterait simplement à l’éliminer. Il est donc plus que nécessaire de pouvoir assurer la continuité de cette fonction. Comme, et parallèlement, de savoir établir au sein de la cité un système de sélection des individus les plus capables pour ce faire. Vaste question, aller voir chez les Grecs.
Mais sans se déplacer beaucoup, constatons simplement que les droits d’auteurs, tels que conçus à ce jour, ne sont pas adaptés à une telle écologie. Ils segmentent les flux, brisent la circulation des énergies d’une chaine pourtant bouclée sur elle-même. Ainsi, et en retour, les productions primaires s’affaiblissent très logiquement du manque de leurs recycleurs, comme de l’absence des échelons intermédiaires. Ou comment scier la branche sur laquelle …
Les protections, ou plutôt la continuité de chacun se doit donc d’être équilibrée et assurée. Le choix des « exécutant » sans doute questionné. Un individu à la figure clairement identifiée ? Un collectif fluide et décentralisé ?
Aujourd’hui, nous sommes encore assez loin de ces questions. Alors plus simplement, comment et pourquoi ne pas mieux préciser la notion d’extrait, ne pas affirmer plus en avant l’exception pédagogique. Plus généralement, la notion de l’œuvre collective reste largement à introduire dans nos textes, sans doute sur le modèle ou les prémisses du logiciel libre. Nous sommes au XXIème siècle, et voilà beaucoup de travail en perspective face aux enjeux. Qui a parlé de fin de l’histoire ?
Pour conclure un commentaire du professeur Michel Vivant sur la loi DADVSI : « [l'exception pédagogique] permet l’exploitation « d’extraits d’œuvres ». Expression nouvelle dont on sait simplement qu’elle fait allusion à un lignage plus important que la courte citation… Mais que représente-t-elle vraiment ? 4%, 5%, 10% d’une œuvre ? Ce pourcentage est-il relatif à la pagination totale ? La notion d’extraits manque de sens pour être opératoire. »
Soyons malgré tout assez peu confiant … personne ne lâche rien gratuitement. Personne, mais qui ? Un écosystème totalement défaillant quant à son écologie de production immatérielle.
Le végétal est de très loin le plus important producteur primaire d’énergie de la planète. Autotrophe, son travail « matériel » consiste à concentrer des photons solaires pour in fine transformer et stocker cette énergie sous la forme de liaisons chimiques exploitables par le reste du vivant.
Sur ce plan « matériel », l’homme est un animal hétérotrophe consommateur et dissipateur d’énergie.
Mais imaginons un instant que l’émergence du système mental de ce dernier puisse être vue comme une activité photosynthétique singulière. Il ne s’agit plus ici de produire de l’énergie exploitable sous la seule forme chimique, il s’agit aussi de concentrer les photons dans des images. Des images nourricières mises en circulation dans l’espace et le temps. Dans la société dans un premier temps, dans le monde des choses par la suite du fait des nouvelles pratiques et des usages qui en découlent.
Il s’agit là de cette production « immatérielle » (relations, idées, images) qui nourrit le commun de la banque d’image sociale, produit en retour la vie sociale elle-même à mesure que les images des uns deviennent la matière première de celles des autres membres du réseau de l’écologie des idées.
Produire une image c’est sélectionner, condenser, établir des liaisons dans le monde. Synthétisé dans une production qui le plie dans des images, il existe un potentiel d’énergie immatérielle ou de création sociale. Autrement dit, de leur manipulations, recombinaisons et déploiement des autres membres de l’essaim social, ces images vont libérer une certaine énergie de production immatérielle. Dans l’immatériel, l’homme est un producteur primaire d’énergie, et sans doute lui aussi à partir d’une certaine photosynthèse lumineuse.
Pour reprendre ains la métaphore végétale, l’animal et ses antennes sont des producteurs d’images primaires. Emerge de son système mentale cette capacité à « photo-synthétiser ». A établir des liaisons au monde sous la forme d’idées pliées dans des images, et dont le déploiement libère une certaine énergie de production immatérielle.
http://www.dailymotion.com/video/k1FHXyvQxAY3vdM0Mg
Deleuze, Bergson et le cinéma. Image temps, image mouvement. Commentaires de Pierre Montebello d’après les nouveaux chemins de la connaissance du 18 septembre 2008. Illustration. Variations sur le même thème, le nouveau monde de Terrence Malick, sortie de cadre dans un jardin anglais, sortie joyeuse d’une existence.
Certains aiment à lire de droite à gauche, d’autres de bas en haut. Certains déplient, d’autres replient, and so on. A partir d’une ligne ou d’un trait, certains devinent ou déplient le paysage qu’elle englobe. A partir du chaotique déplié, certains reviennent ou plient jusqu’à redécouvrir la ligne nécessaire derrière le hasard de la scène.
Mystère des affinités, élastique, piano ou accordéon, à chacun son instrument de mémoire et son mouvement: « [...] la mémoire apparaît comme un éclair, une constellation: rien dans le rétro (ou des simulacres), tout est devant, revenant sous d’autres figures, d’autres climats qui font ressurgir, au présent, toutes nos intensités, passées et actuelles. »
« Revenir est précisément l’être du devenir, l’un du multiple, la nécessité du hasard. » Gilles Deleuze, Nietzsche.
Alors ici, nous tentons de déplier en boucle une certaine idée. Idée dont la représentation ou modalité initiale nous est donnée par Grégory Bateson dans son écologie de l’esprit. Qu’est-ce qu’un environnement ? Une configuration dynamique, un organe sensoriel décentralisé: un modèle de danse qui capture d’autres modèles de danse.
http://www.dailymotion.com/video/k4Yb9I5i1xO7fiI5rq Déplier les danses de(dans) la toile, y découper des mouvements de croissance: maillage d’un monde, diffusion d’une musique propre, connection, communauté.
Déplier des paysages enveloppés dans quelques traits…
“ Tout organisme est une mélodie qui se chante elle-même. ”Jacob Von Uexküll
» Chaque espèce vit dans un environnement unique, qui est ce qui lui apparaît déterminé par son organisation propre. » Jacob Von Uexküll
Tout animal a un monde, système d’information géographique territorial ou non. Pour le sujet animal, l’espace et le temps ne sont pas d’une utilité immédiate. Ils ne prennent d’importance qu’au moment de découper et cartographier l’environnement afin d’identifier et différencier, dans une nature fourmillante, les nombreux caractères perceptifs(forme, mouvement, forme sans mouvement, mouvement sans forme) « qui se confondraient sans la charpente spatio-temporelle du milieu. ».
« Chaque cellule vivante est un mécanicien qui perçoit et agit « Jacob Von Uexküll
«Pour toutes les actions que nous accomplissons à l’aide d’objets de notre milieu, nous avons élaboré une image active que nous mêlons si intimement à l’image perceptive livrées par nos organes sensoriels, que ces objets en reçoivent un nouveau caractère qui nous renseigne sur leur signification. Nous nommerons ce caractère connotation d’activité [...] il faut nous souvenir sans cesse que ce sont les actions des animaux projetées dans leur milieu qui confèrent leur signification aux images perceptives grâce à la connotation d’activité [...]nous reconnaissons dans tous les objets dont nous avons appris à nous servir l’action que nous accomplissons à leur aide, avec la même sureté que leur forme et leur couleur [...] toute nouvelle expérience active entraine de nouvelles attitudes (actions) vis-à-vis de nouvelles impressions (perceptions). De nouvelles connotations d’activité servent alors à créer de nouvelles images actives.» Jacob Von Uexküll
De l’éthique à l’éthologie, Spinoza tiré vers Von Uexküll, et inversement, par le passeur Gilles Deleuze: « [...] l’éthique est une éthologie, [...] ce que peut un corps, on ne le sait pas à l’avance et au bout du compte, on a toujours les organes et les fonctions correspondant aux affects dont on est capable. »
Fragments des mondes animaux, éléments d’éthologie par Elisabeth de Fontenay.
« Notre premier soin doit donc être de dégager l’examen des milieux de toute forme erronée de finalité. […] Trop souvent nous nous imaginons que les relations qu’un sujet d’un autre milieu entretient avec les choses de son milieu prennent place dans le même espace et dans le même temps que ceux qui nous relient aux choses de notre monde humain. Cette illusion repose sur la croyance en un monde unique dans lequel s’emboîteraient tous les êtres vivants. » Jacob Von Uexküll
« Le fait d’étudier la phylogenèse, qui est la comparaison entre les espèces, permet de mieux comprendre l’ontogenèse et la place de l’homme. On comprend mieux aussi la fonction et l’importance de la parole dans le monde humain. Il existe une première gestualité universelle, fondée sur le biologique, proche de l’animalité. Dès que le langage apparaît, une deuxième gestualité imprégnée de modèles culturels prend place. Là, la première gestuelle s’enfouit, les sécrétions d’hormones dans le cerveau changent. Donc, on comprend mieux comment le langage se prépare, comment le choix des mots pour raconter un fait révèle l’interprétation qu’on peut en faire, comment la parole peut changer la biologie en changeant les émotions. » Boris Cyrulnik